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Tous ces mots enfumés....

Tous ces mots enfumés....

Akli Ait Abdallah


Le café de mon copain....

Publié par Akli Ait Abdallah sur 22 Septembre 2012, 22:36pm

Un copain se prépare à ouvrir un café, un autre, dans le Petit-Maghreb. Un café algerien , où plutôt un café à l'algerienne.

Local loué hier , travaux commencés ce matin. Plafond défoncé, poussière, fils qui traînent partout , il me dit que dans un mois, tout sera prêt, que le comptoir sera là, les tables, les chaises et les fauteuils ici, que les murs seront beaux, que les lieux seront chaleureux , et qu'on s'y sentira bien. Qu'il y aura du bon café, du thé, des sandwichs merguez comme ceux que l'on pouvait trouver à Alger , dans le passage sous-terrain de la place Audin , et puis plein d'autres petits délices sortis tout droit de sa boîte à souvenirs d'Algérie.

J'avoue que j'aime aller dans ce quartier un peu ghetto , que beaucoup de mes compatriotes s'acharnent à snober, justement parce que trop ghetto, selon eux. Qu'importe... J'y retrouve parfois des Ouled el bled , des ''fils du bled'' , pour ce qui me fait à chaque fois penser à un pélerinage en bande dans notre passé commun. A table, se retrouvent le chauffeur de taxi , le fonctionnaire, le vendeur de voitures, l'entrepreneur, l'imprimeur, le chômeur, le journaliste ...

Aujourd'hui , il manquait l'imprimeur, Mohamed (Non les algeriens ne s'apellent pas tous comme ça , n'en deplaise aux caricaturistes ), Mohamed le demadeur d'asile , déporté il y a quelques mois, avec sa femme, et ses deux fillettes , canadiennes de naissance , maintenant en exil dans le pays de leurs parents.

Le hasard a fait que je tombe nez à nez avec Mohamed et les siens dans l'avion qui qui me ramenait en Algerie il y a quelques mois. Ils occupaient quatre sieges de la derniere rangée de la cabine que j'étais en train de traverser pour rejoindre la mienne. La maman avait les yeux rougis par les larmes. Les fillettes, elles, dessinaient tranquillement en attendant le decollage.

L'ordre de déportation était arrivé quelques semaines plus tôt. Dans l'espoir de revenir un jour à Montréal ,Mohamed avait choisi de jouer la légalité , pour ne pas devenir un sans-papiers. Tous les recours que la loi permettait avaient été consommés, en vain....

Apres le decollage , il m'avait raconté la petite imprimerie qu'il s'était acharné à monter puis à faire tourner pour ne pas dépendre de l'aide sociale , l'école et les amis que ses filles avaient été contraintes d'abandonner sans trop comprendre pourquoi il fallait partir , en pleine année scolaire, dans un pays qu'elles ne connaissaient pas. Elles emportaient avec elles leur accent du Quebec qui allait faire d'elles , le temps qu'il se dilue et disparaisse dans la ''derdja'', l'arabe dialectal de leur exil, de petites étrangères.

Ce matin, j'ai eu une pensée pour elles , en me disant qu'elles reviendront peut-être un jour, mais qu'une administration moins tatillonne aurait su se montrer plus clémente, plus humaine , et les garder sur leur terre natale.

Retour au ghetto ou j'ai dit que j'aime aller. Et ou j'irai encore plus souvent quand le café de mon copain aura ouvert ses portes. A l'avant , il y a une petite terrasse qui sera fleurie en été, c'est promis. Et c'est là que je retrouverai mes amis de chez moi , ceux avec lesquels je partage les liens les plus forts qui soient , des liens qui ne doivent rien à l'argent , à la position professionnelle, ou à la condition sociale. Des liens tissés dans les maisons de mon enfance , dans les allées de ma jeunesse.

J'espere que Mohamed retrouvera un jour, avec elles, la terre natale de ses deux filles. Les liens qu'elles y ont déjà tissé , malgré leur tres jeune âge, valent bien les notres.

Et qu'il viendra s'assoir avec nous sur la terrasse fleurie du café de mon copain. (AAA)

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